
Une génération sacrifiée ?
Jeunes des classes populaires dans la France désindustrialisée
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Collection « Sciences sociales »
Résumé
La massification scolaire, la désindustrialisation, les transformations du paysage politique et culturel ont provoqué une crise de reproduction de longue durée des classes populaires, dont les « jeunes des cités ;» constituent le point focal. Sans les exclure ni se réduire à leur cas, les enquêtes rassemblées dans ce livre analysent les inadaptations et les tentatives d’ajustement, les engagements et les désengagements, les espoirs et les déboires, les quêtes de compensation et les conversions, mais aussi les formes de reproduction au sein des nouvelles générations de jeunes des classes populaires. La menace du chômage, la précarité et le chantage à la docilité qu’elle permet, l’emprise des valeurs consuméristes, ont d’autant plus détérioré leurs capacités de mobilisation que beaucoup se vivent comme « de passage ». Faut-il en conclure qu’à la culture de rébellion de la « génération ouvriérisée » des années 1970 s’opposerait aujourd’hui « l’individualisme négatif » d’une « génération désouvriérisée » ?
La postface de Florence Weber revient sur le tabou du déclassement qui enferme depuis quinze ans les perdants de la mondialisation dans la colère, le retrait et la honte. La croissance des inégalités territoriales s’est aggravée en France depuis la crise économique de 2008, tandis que la course au diplôme sans création d’emplois qualifiés, notamment dans le secteur de la culture, minait la confiance dans l’école, jusque chez les jeunes des classes moyennes sans patrimoine.
Les auteurs
Stéphane BEAUD est sociologue, professeur de science politique à l’Université Paris-Ouest Nanterre, chercheur à l’Institut des sciences sociales du politique (CNRS-Nanterre). Ses recherches portent sur les classes populaires, la démocratisation scolaire, les descendants d’immigrés avec un détour par la sociologie du football. Il a notamment publié, avec M. Pialoux, Retour sur la condition ouvrière (La Découverte-poche, 2011), Violences urbaines, Violence sociale (Fayard, 2003).
Gérard MAUGER est sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS, chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique (CNRS-Paris I). Ses recherches concernent, pour l’essentiel, les générations et les âges de la vie (jeunesse), les pratiques déviantes et délinquantes, les classes populaires, les pratiques culturelles (lecture) et l’œuvre de Pierre Bourdieu. Il a récemment publié Lectures de Bourdieu (codir. F. Lebaron, Ellipses, 2012), Repères pour résister à l’idéologie dominante (Le Croquant, 2013), Lectures numériques. Une enquête sur les grands lecteurs (avec P. Gaudric et X. Zunigo, Bibliothèque du Centre Pompidou, 2014) et Âges et générations (La Découverte, 2015).
Avec la collaboration de Lorenzo BARRAULT-STELLA, Thomas BEAUBREUIL, Clémentine BERJAUD, Charles BERTHONNEAU, Samuel BOURON, Vincent BURCKEL, Benoît COQUARD, Pierig HUMEAU, Sophie ORANGE, Akim OUALHACI, Ugo PALHETA, Martin THIBAULT.
Sommaire
Avertissement
Introduction, par Stéphane BEAUD et Gérard MAUGER
Crise de la reproduction et nouveau mode de génération des classes populaires - De la disqualification scolaire à la disqualification sociale
PREMIÈRE PARTIE – Effets de génération
Chapitre 1. Hassan, un « vieux jeune » entre la génération des hommes du fer et celle des jeunes précaires, par Vincent BURCKEL
Hagoncourt, une petite ville ouvrière en crise - Un virilisme ouvrier qui s’exprime dans la rue - Hassan, un cinquantenaire « vétéran de la crise » - Une seconde jeunesse improbable - Des difficultés à « faire l’Arabe » -S’approprier le passé des « vieux »
Chapitre 2. Massification scolaire, culture anti-école et bonne volonté culturelle, par Gérard MAUGER
Le monde des bandes dans les années 1970 - La bohème populaire dans les années 1970 - Le monde des bandes et la bohème populaire d’aujourd’hui
DEUXIÈME PARTIE – Désarroi des jeunes hommes de classes populaires
Chapitre 3. « Pas de diplôme, pas de taf, pas de meuf ! ». Stigmate et réflexivité chez de jeunes hommes des classes populaires, par Benoît COQUARD
L’allongement de la jeunesse, condition de la réflexivité en milieu populaire - « Retour sur soi » et individualisation de l’échec - Du capital au stigmate : la dévalorisation de l’éthos populaire
Chapitre 4. Le style de vie des halls. La socialisation des « jeunes de la rue »,
par Thomas BEAUBREUIL
Le terrain et l’enquête - Les cadres spatiaux de l’entre soi : la « rue » et la « maison » - Le temps de la rue - Le manque d’argent et « l’inemployabilité » comme expérience commune - Le rapport à l’« extérieur » : sortir du quartier - Le sens pratique de la rue - Fuir ou éviter la rue - Le monde social vu par les « jeunes du quartier » - Conclusion
Chapitre 5. Boxe thaïlandaise et fraternité dans une banlieue populaire,
par Akim OUALHACI
Les Gants du Siam - Boxe thaï et encadrement des dispositions agonistiques - Cohésion sociale et esprit de corps - Inversion et reproduction du stigmate - Lutte symbolique contre la domination - La salle de boxe thaï : un lieu de socialisation ambivalente
TROISIÈME PARTIE – Figures de jeunes femmes des classes populaires
Chapitre 6. Espoirs scolaires et déboires professionnels des filles d’origine populaire, par Ugo PALHETA
Les faux-semblants d’une ascension scolaire - De l’école au monde du travail : le double handicap des filles d’origine populaire
Chapitre 7. « Celles qui restent ». La fausse inertie des jeunes diplômées du coin, par Sophie ORANGE
Les petites mobilités des filles diplômées du coin - Les pesanteurs locales - Les conditions de possibilité des arrangements normatifs - Conclusion
QUATRIÈME PARTIE – Engagements et désengagements politiques et syndicaux
Chapitre 8. Des jeunes de cité à la CGT ? Socialisations militantes dans les marges du syndicalisme, par Charles BERTHONNAU
Se syndiquer pour « tenir au travail » : « Je sais qu’on n’est plus tout seu ! » - « Trouver sa place à la CGT » : conversion des dispositions agonistiques en combativité militante - Une relève marginalisée ? - Conclusion
Chapitre 9. Ne pas se sentir à sa place dans l’atelier. « Être » ou « faire » ouvrier, par Martin THIBAULT
Un rapport ambigu à l’identité ouvrière - Ne pas se sentir à sa place avec les ouvriers - Quand le provisoire dure - Conclusion
Chapitre 10. Des jeunes de lycée professionnel et les élections de 2012. La politique au prisme des luttes entre fractions de classes,
par Lorenzo BARRAULT-STELLA et Clémentine BERJAUD
Distance exacerbée au politique et incompétences déclarées - Clivages politiques et clivages sociaux
Chapitre 11. Punks et militants identitaires. Accepter ou refuser l’héritage
familial ?, par Samuel BOURON et Pierig HUMEAU
Des engagements politiques de jeunes hommes des classes populaires - La dimension rituelle de l’engagement militant : « devenir ce que l’on est » - Trajectoires en déclin et engagements politiques - Ajustement/désajustement aux positions occupées dans l’espace social - L’offre locale dans la politisation des jeunes des classes populaires - Conclusion
Postface, par Florence WEBER
Déclassement des jeunes et polarisation territoriale - Les laissés-pour-compte : la colère, le retrait et la honte - La crise de l’école : diplomanie contre économie de la culture
Notes
Bibliographie
Les contributeurs
Résumés des contributions